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Retrouvez tous les épisodes de la série « Un château de sable avec… » ici.
Une cohorte de silhouettes arc-boutées sur le sable pêchent à pied entre les amers – coques, palourdes, moules, couteaux. Au loin, Houat et Belle-Ile se dessinent dans la brume qui s’enfuit. Lorsque Alain Cochevelou a découvert ce rivage pour la première fois, il était âgé de 5 ans. C’était en 1949, et il s’en souvient comme si c’était hier : « L’odeur mélangée des algues, des cyprès, des hortensias… Les murs blancs, le mica qui brille dans le granit. Pour un enfant un peu sensible, au sortir de la guerre, débarquant du Ménilmontant de l’époque avec ses murs délabrés et noirs, c’était découvrir le paradis. »
C’est marée basse à Carnac, « en pays vannetais ». En France, on dit « dans le Morbihan », mais nous sommes en Bretagne, et Alain Cochevelou – devenu Alan Stivell pour monter sur scène – est non seulement l’homme qui a fait renaître la musique bretonne à travers un instrument disparu, la harpe celtique, mais aussi celui qui, en introduisant la modernité dans son folk, a sorti le biniou, la langue et jusqu’à l’identité bretonne du placard poussiéreux où on les avait cloîtrés. Le retrouver, là, à 80 ans, dans le crachin que parfois un rayon transperce, c’est rencontrer un mythe.
Le vieux barde sourit à ce panégyrique, s’obstinant à fouiller l’océan de ses yeux aqueux : « Bateau et harpe, ça se ressemble un peu. Dans la caisse de résonance, il y a un cousinage avec la coque d’un bateau. Comme les harpes en Birmanie qui donnent envie de les poser sur l’eau. C’est aussi l’impression que j’avais à 8 ans, lorsque je voyais mon papa construire sa première harpe. »
C’est qu’avant Alain, il y a Georges. Breton de Paris, traducteur en diverses langues, Cochevelou père a épousé Fanny Dobroushkess, originaire des pays baltes, dont une partie de la famille est juive ukrainienne. Breton bretonnant, né au XIXe siècle, il a été élevé en partie par sa grand-mère, en pays vannetais, et est passé par le petit séminaire. Breton militant, il a inscrit ses trois fils chez les scouts Bleimor, une troupe de la diaspora parisienne qui va monter un puissant bagad (ces ensembles composés de bombardes, de binious et de percussions), dont les Cochevelou seront des chevilles ouvrières.
Parallèlement, Georges, alias Jorg, est un touche-à-tout de génie, inventeur à ses heures. Il se met tôt en tête de construire une harpe celtique. L’instrument a disparu depuis le Moyen Age. Il cogite pendant quinze ans avant de se mettre au travail et de faire renaître l’instrument sur la table de leur cuisine. « J’étais le plus jeune de la fratrie, raconte Alan Stivell. J’ai été le plus marqué. La harpe nous relie à un passé très lointain. Et, avec ces cordes tendues entre ciel et terre, laissées au vent, dans lesquelles l’univers peut vibrer, si on n’a pas les pieds sur terre, on peut partir vite… » Nous sommes en 1953. L’enfant s’empare de l’instrument destiné au départ à sa mère. Il y excelle. On lui trouve une enseignante de harpe classique. A 9 ans, il fait pour la première fois entendre sa Telenn à la Maison de la Bretagne, à Paris. A 13 ans, il est sur la scène de l’Olympia, en première partie d’un concert de Line Renaud, et, à 20 ans, il sort son premier disque – entièrement instrumental.
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